Conflits entre voisins, et si la source du différent était ailleurs

Le problème, en tout cas il y a encore quelques semaines, était leur relation de voisinage.

29.4.21

Les résultats d’une médiation, cette alternative au procès, peuvent être stupéfiants, comme ont pu le constater, avec bonheur, deux voisins habitant une villa mitoyenne.

Jacques et Albert sortent de l’Auberge de la Couronne après avoir partagé, en toute convivialité, un repas préparé par le chef. Quelques heures auparavant, ils sortaient du bureau du médiateur, soulagés et apaisés.

Les deux voisins habitent le même village, se côtoient régulièrement au conseil communal, dont ils sont tous les deux des élus et se rencontrent régulièrement dans les rues du hameau.

Le problème, en tout cas il y a encore quelques semaines, était leur relation de voisinage. L’ambiance entre eux était difficile voire délétère, tout cela à cause d’un simple compost.

Ils sont propriétaires de la moitié d’une villa, sise dans la magnifique région du Lavaux, depuis plus de 10 ans. Toutefois, ils ne s’adressaient plus la parole depuis plusieurs années. La cause de cette mésentente concerne les odeurs du compost installé dans le jardin d’Albert.

Celui-ci a, pour des raisons pratiques, installé son compost à proximité de la terrasse de la famille de Jacques, située de l’autre côté de la haie de thuyas séparant les deux parcelles. Le jardin des deux protagonistes est en pente et il est difficile pour Albert d’accéder au bas de sa parcelle. Il aurait certes pu installer son compost en contrebas et ainsi ne pas importuner son voisin avec les odeurs émanant de cet objet. Toutefois, ses problèmes de genoux rendent ses déplacements difficiles, particulièrement lorsque le terrain est en pente.

Jacques a toujours pensé que c’était uniquement dans un but chicanier que son voisin avait installé son compost à proximité de sa terrasse. D’ailleurs, pour Jacques les odeurs ne dérangeaient pas Albert, célibataire endurci, puisque l’été il se tenait de l’autre côté du jardin, sur son balcon.

Exaspéré par le comportement de son voisin, Jacques n’hésitait pas à parquer son véhicule en travers de la cour, gênant ainsi les manœuvres de la voiture de son voisin. Durant des années, ces deux conseillers communaux se sont ignorés, mais l’absence de respect quant aux manœuvres des véhicules dans la cour a eu raison de leur silence. Régulièrement, les deux habitants de la bourgade s’interpellaient en vociférant, voire en s’insultant. De guerre lasse de cette situation, la famille de Jacques a proposé une médiation. Bien que peu convaincu par cette méthode alternative de règlement des conflits, Albert accepte en se disant que cela ne peut pas être pire que ce qu’il vit actuellement.

Les deux voisins, lorsqu’ils se sont rendus chez le médiateur, n’ont certainement pas imaginé qu’ils iraient manger ensemble à l’auberge du village, quelques temps plus tard. En effet, depuis lors l’ambiance s’est grandement améliorée entre les habitants de cette villa mitoyenne. Lors des séances chez le médiateur, ils ont pu exposer leurs ressentis, leurs perceptions de la situation, leurs sentiments et leurs émotions. La médiation leur a permis de trouver par eux-mêmes les solutions pour résoudre leurs difficultés et surtout ce pesant conflit. Ainsi, celui qui était gêné par l’odeur du compost a compris que c’était pour des raisons de santé qu’Albert ne l’avait pas installé en bas de sa propriété.

Les voisins ont pu eux-mêmes proposer des solutions pour résoudre leurs difficultés et une convention a été passée avec l’aide du médiateur. Celui-ci est intervenu en tant que personne neutre et a créé un espace d’expression pour chacun. Albert et Jacques ont pu s’exprimer sur l’intégralité de leurs différends. Grâce aux techniques propres à la médiation, les deux voisins ont pu trouver un accord.

Ainsi, ils ont convenu que le compost d’Albert serait déplacé en bas du jardin et afin de faciliter son travail, c’est son voisin Jacques qui viendrait l’aider à amener les branches, les feuilles et le gazon, lorsque c’est nécessaire, en bas du jardin dans le compost. Albert, quant à lui apprécie cette aide puisque ses douleurs aux genoux l’empêchent de se déplacer facilement en bas de sa parcelle. Depuis lors, les deux voisins revivent, ils se côtoient et peuvent désormais discuter ensemble.

Ce qu’il y a d’extraordinaire avec la médiation, c’est qu’elle est fondée sur les besoins et les intérêts des personnes et non pas uniquement sur le droit.

Albert et Jacques ont obtenu un résultat issu de leur volonté et non pas imposé par un juge. Les séances chez le médiateur se sont résumées à trois rencontres, et ceci en deux mois seulement. Si les deux voisins en étaient arrivés à une procédure judiciaire, cela aurait duré vraisemblablement plusieurs années, avec les coûts conséquents, liés à toute action en justice. De plus, un jugement rendu par un tribunal aurait imposé une solution, sans pour autant résoudre le conflit.

Une médiation améliore les relations entre les personnes, et ce contrairement à une procédure judiciaire. N’est-il pas agréable d’avoir à nouveau des relations de voisinage cordiales ?

Article paru dans le journal Le Courrier

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29.4.21

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